The Rotating Painting Show

Du 15 octobre 2015 au 19 décembre 2015
Vernissage le jeudi 15 octobre 2015
Les « Peintures rotatives » d’Elvire Bonduelle ont pour point de départ un motif visuel aussi simple et factuel que possible : la ligne courbe que dessine un rideau se détachant dans le rectangle d’une fenêtre. De cette vision, l’artiste a tiré une série de dessins à la règle qui caractérisent une partie de sa production depuis quelques années. Puis, elle a extrait ce motif de son contexte initial pour le soumettre à un ensemble d’opérations qui ont conduit à des peintures abstraites hard edge, dans la filiation assumée du maître du genre, Ellsworth Kelly. Le résultat est d’une grande efficacité visuelle : l’œil se perd dans l’abîme du noir, tandis que le blanc le ramène à la surface de l’oeuvre. L’artiste a vérifié l’impact de ce contraste saisissant à travers un ensemble de tableaux qui se singularisent par leur mode de présentation : leur sort n’est pas d’être présentés immuablement alignés sur le mur blanc de la galerie mais plutôt d’être agencés sous des formes changeantes (diptyque, quadriptyque), chaque combinaison offrant au regard une vision différente. En effet, le galeriste, tel un performeur, est mandaté par l’artiste pour opérer une rotation de ses œuvres, de préférence à l’insu du spectateur, ceci tant pour le défier, tester sa capacité d’attention que pour laisser un doute s’immiscer.

La farce qui se joue ici a également pour but d’amener le spectateur à réfléchir à ce qu’il voit, à exercer son regard. Une problématique déjà abordée par Elvire Bonduelle lors de sa précédente exposition chez laurent mueller, « Salle d’attente III », au cours de laquelle l’artiste remarquait : « tout est là : bien souvent, nous ne voyons rien. Nous forçons notre regard, à vouloir voir absolument, là, maintenant, en trois minutes, en trente secondes. » Là ne s’arrête cependant pas le propos d’Elvire Bonduelle comme en témoignent d’autres peintures rotatives qui délaissent l’esthétique hard edge  mais qui reprennent également des motifs courbes extraits du réel. Ces œuvres donnent à voir l’épuisement progressif de la peinture emportée par le pinceau sur la surface à peindre. Ce dernier est dirigé du bord supérieur de la toile vers son côté inférieur droit ou gauche, jusqu’à épuisement de la matière picturale. Puis il est de nouveau trempé et traîné pour reproduire le même geste.

Les « Peintures rotatives » d’Elvire Bonduelle renouent sur un mode inédit avec les pratiques protocolaires de certains concrets, BMPT ou Support-Surface. Avec pertinence et humour, mais avec aussi cette fausse indolence qui la caractérise si bien, l’artiste suscite une réflexion sur la peinture, l’acte de peindre et les conditions de présentation des œuvres.


Domitille d’Orgeval



Au sujet des Berceuses :

Still Rocking!

Qualifiant sa pratique artistique de « quête du bonheur », Elvire Bonduelle s’intéresse à l’idée d’équilibre entre le corps et l’esprit. Les objets de mobilier sont un thème privilégié de ses sculptures, en particulier ceux où l’on s’assoit : coussins pour se lover, chaises où les enfants doivent se tenir droit, à table comme à l’école. Les implications sociologiques et comportementales que ces objets véhiculent sont les lignes de fuite où Bonduelle déploie une réflexion poétique sur notre manière d’habiter le monde. Lors d’une résidence au Québec, les rocking-chairs, ou « berceuses », que l’artiste remarque devant presque chaque maisons lui évoquent des images d’Epinal de la vie à la campagne, les soirées au coin du feu, le détachement méditatif auquel leur mouvement de balancier invite...

Bonduelle n’y cède cependant pas longtemps. Citadine hyperactive, elle retrouve cette respiration du corps et de l’esprit… En reproduisant les berceuses à l’identique ! Le patient travail de menuiserie l’engage dans une temporalité lente et concentrée, une disposition semblable à celle du paysan d’autrefois qui, ne pouvant se rendre aux champs sous la neige, occupait ses journées d’hiver à fabriquer des objets domestiques. Travailler dur sur la réalisation d’un objet de repos, voici le paradoxe où l’artiste trouve son point d’équilibre. Ces berceuses sculptées dans le bois d'un même arbre évoquent, par leur facture à la fois naïve et soignée, un monde proche de la terre, rythmé par le geste artisanal appliqué, un temps de gestation tranquille de la nature et des êtres. Leur exposition dans les jardins de l’Elysée pointe avec ironie un travers de notre société contemporaine : son inaptitude au repos, notre difficulté à tenir en place.

Marguerite Pilven, à l'occasion de l'exposition des Berceuses dans les jardins de l'Elysée, Paris, 2009.